Centrafrique : “Fête de la Victoire du 8 mai 1945” : Décret attribuant la Croix de la Libération à Georges Koudoukou

 

Décret attribuant la Croix de la Libération à Georges Koudoukou

 

Fac-similé du décret du 9 septembre 1942.
Source : Cité dans Guillaume Piketty et Vladimir Trouplin, Les Compagnons de l’Aube, Archives inédites des compagnons de la Libération, Paris, Textuel/Ministère de la Défense avec le soutien de la Fondation La Poste, 2014, p. 81.
© Musée de l’Ordre de la Libération

Présentation

Le 9 septembre 1942, un décret du général de Gaulle nomme Compagnon de la Libération Georges Albert Koudoukou, sous-lieutenant indigène du Bataillon de Marche n° 2. Celui-ci devient ainsi l’un des 1 038 titulaires de la plus prestigieuse et la plus rare des distinctions honorifiques de la France libre.

Né en 1894 à Kaga-Bandoro, dans ce qui est alors la colonie française de l’Oubangui-Chari (actuelle République centrafricaine), Georges Koudoukou joua un rôle important dans le ralliement de l’Oubangui-Chari à la France libre et fut également le premier officier centrafricain.

Contextualisation

Le 29 août 1940, l’Oubangui-Chari se rallie à la France libre. Après le Tchad, le Cameroun et le Moyen-Congo [Congo-Brazzaville] dans les jours précédents, c’est désormais la quasi-totalité de l’Afrique Équatoriale française (AEF) qui reconnaît l’autorité du général de Gaulle. Celui-ci dispose donc désormais non seulement de territoires à administrer mais aussi de troupes susceptibles de reprendre le combat à ses côtés. Le 1er novembre 1940 est ainsi formé à Bangui, à partir des éléments ralliés, le 2e Bataillon de Marche de l’Afrique Équatoriale française, ou Bataillon de Marche de l’Oubangui-Chari, le BM2. Le Bataillon combat en Syrie puis à Bir Hakeim avant de participer à la libération du territoire sur le front de l’Atlantique (poches de Royan et de La Rochelle).

Analyse

Un lieu, Beyrouth, et deux dates apparaissent sur le document : le 9 septembre 1942, qui correspond à l’attribution de la Croix de la Libération à Georges Koudoukou, et le 16 octobre 1942, date de délivrance de l’extrait conforme ici reproduit.

Le BM2 stationne en effet au Liban, où il est arrivé en juillet 1942 après avoir pris une part active aux combats de Bir Hakeim. Fort de près de 950 hommes, pour la plupart indigènes, le bataillon a joué un rôle important dans le dispositif de défense du poste fortifié. Assurant l’arrière-garde, il a été durement éprouvé lors de l’évacuation, dans la nuit du 10 au 11 juin, et compte plus de 200 tués et disparus dans ses rangs, et de nombreux blessés. Le Bataillon est, pour ce fait d’armes, décoré de la Croix de la Libération le 29 août 1942 à Beyrouth par le général de Gaulle. Il est une des dix-huit unités militaires à pouvoir se prévaloir de la prestigieuse distinction et témoigne de l’importance et de la valeur de l’engagement des troupes indigènes dans la France libre.

Georges Koudoukou est l’un des cadres du bataillon. Il est une exception, tant il est rare de voir des indigènes accéder au grade d’officier, ici de sous-lieutenant. Cultivateur, il s’est engagé à 22 ans dans l’armée française et a participé à la Première Guerre mondiale. Rengagé et affecté successivement aux 16e et 12e Régiments de Tirailleurs sénégalais (nom générique donné alors aux unités de Tirailleurs africains), il participe à la guerre du Rif, au Maroc, en 1925, avant d’être affecté au Bataillon de Tirailleurs de l’Oubangui-Chari, à Bangui. Ayant manifestement fait le choix du métier des armes, Georges Koudoukou est promu adjudant-chef en 1934, ce qui correspond alors au grade de sous-officier le plus élevé et, pour un soldat indigène, est à l’aboutissement d’une carrière. Il représente à ce titre un modèle pour les jeunes recrues et possède une véritable aura, teintée de surnaturel : « On disait par exemple qu’il était invulnérable aux balles, […] qu’il pouvait se métamorphoser en oiseau, en papillon, en fourmi ou encore en simple caillou, quand il était coincé par l’ennemi […]. Tout cela expliquait pourquoi Koudoukou était revenu de toutes les guerres, sans la moindre égratignure, et avec les éloges de ses chefs blancs », écrit l’écrivain et homme politique centrafricain Pierre Sammy Mackfoy (De l’Ouba ngui à La Rochelle. Ou le parcours d’un bataillon de marche. 18 juin 1940-18 juin 1945, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 70-71).

Fin août 1940, Georges Koudoukou use de son influence pour entraîner les hommes de la garnison de Kassaï, à Bangui, à choisir le camp de la France libre contre les partisans de Vichy. Il joue ainsi un rôle central dans le ralliement de l’Oubangui-Chari au général de Gaulle. C’est peut-être cette action, tout autant que les indéniables qualités militaires dont il fera preuve lors des opérations de Syrie, de juin à novembre 1941, qui lui valent d’être nommé sous-lieutenant et adjoint au chef du BM2 le 27 décembre 1941, devenant ainsi le premier officier centrafricain de l’armée française.

Le sous-lieutenant Koudoukou n’est désigné que par son nom sur le décret attestant de son élévation à la dignité de Compagnon de la Libération. Le prénom n’est pas renseigné. Est-ce l’effet d’une précipitation ou d’une négligence du transcripteur du décret ? Celui-ci est, en effet, rédigé à titre posthume : grièvement blessé le 10 juin 1942 lors du bombardement du Poste de Commandement du BM2 à Bir Hakeim, amputé d’une jambe sur place, évacué au cours de la percée effectuée dans la nuit, Georges Koudoukou décède le 15 juin 1942 des suites de ses blessures, dans un hôpital d’Alexandrie.

Une avenue porte aujourd’hui son nom à Bangui, où un modeste monument lui a été élevé.

L’intérêt du document tient aussi à la présentation du général de Gaulle comme « Chef des Français combattants, Président du Comité national » : si le ralliement de différents territoires de l’Empire lui permet de proclamer l’établissement d’un Conseil de Défense de l’Empire à Brazzaville dès le 27 octobre 1940, le Comité national qui lui succède en septembre 1941, plus large et ouvert à davantage de personnalités civiles, fait quant à lui figure d’embryon de gouvernement en exil. Il fusionnera en juin 1943 avec le Commandement en chef français civil et militaire du général Giraud pour former le Comité français de la Libération nationale.

Ressources complémentaires

Sitographie

Site du musée de l’Ordre de la Libération

« L’histoire et le périple du deuxième Bataillon de marche de l’Oubangui-Chari », article sur les tirailleurs africains engagés dans la France libre et liens vers les biographies de militaires africains Compagnons de la Libération
Sur le site de RFI (Radio France internationale)

La Lettre de la Fondation de la Résistance (n° 77, juin 2014) consacrée à la France libre. Article de Jean-François Muracciole sur l’historiographie de la France libre et propositions pédagogiques
Sur le site de la Fondation de la Résistance

Bibliographie

Sébastien Albertelli, Atlas de la France libre. De Gaulle et la France libre, une aventure politique, Paris, Autrement, 2010.

François Broche, Georges Caïtucoli, Jean-François Muracciole (dir.), Dictionnaire de la France libre, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2010.

Jean-Louis Crémieux Brilhac, La France libre. De l’appel du 18 juin à la Libération, Paris, Gallimard, 1996 ; édition revue et augmentée, Gallimard, Folio, 2014.

Jean-François Muracciole, Les Français libres. L’autre résistance, Paris, Tallandier, 2009.

Guillaume Piketty et Vladimir Trouplin, Les Compagnons de l’Aube, Archives inédites des compagnons de la Libération, Paris, Textuel/Ministère de la Défense avec le soutien de la Fondation La Poste, 2014.

Sébastien Albertelli,  Elles ont suivi de Gaulle. Histoire du Corps des Volontaires françaises  , Paris, Perrin, 2020.

Read Previous

Centrafrique : “Fête de la Victoire 1945”: une pensée pieuse pour le Tirailleur de l’Oubangui – Chari Georges Koudoukou !

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Most Popular