Grâce à une transposition des règles de l’ITIE, le futur texte fait obligation aux entreprises intervenant dans les secteurs minier et forestier de rendre publics les contrats, les propriétaires réelles et l’origine de leur argent.
Suspendue de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) et du Protocole de Kimberley en avril 2013, c’est-à-dire, dans la foulée du coup d’État qui avait renversé le président François Bozizé et plongé le pays dans un chaos politico-sécuritaire, la République centrafricaine (RCA) peine à instaurer la transparence et la responsabilité dans la gestion des ressources extractives, bien qu’elle ait pris des engagements fermes dans ce sens qui ont poussé la communauté internationale à lever sa suspension le 21 octobre 2021. Le pays a du mal à respecter sa feuille sa feuille de route, qui prévoit qu’il produise annuellement (et à temps) un rapport ITIE contenant les données statistiques et fiscales et la situation contextuelle du secteur minier centrafricain. Si en 2022 le rapport pilote de l’année 2020 avait été rendu public avec des insuffisances criardes – il a néanmoins permis à la communauté internationale et à tous les partenaires de jauger le niveau de mise en œuvre de l’ITIE -, la rédaction de celui de 2021 n’a toujours pas été bouclé.
Le comité national de pilotage de l’ITIE s’est réuni en session ordinaire le 24 novembre, à l’effet d’adopter ledit rapport 2021, en vain. Il ressort en effet de cette session que nombre d’administrations publiques et d’entreprises minières et forestières refusent encore de se plier à l’obligation de communiquer les informations utiles à la rédaction de ce rapport. Notamment, la direction générale des mines, la direction générale des Douanes et des droits indirects, la direction des impôts et l’Institut centrafricain des statistiques, des études économiques et sociales. Il en est de même de la plupart des entreprises des secteurs minier et forestier, à l’instar d’Industrie minière de Centrafrique, l’Industrie forestière de la Balatimo (IFB), la Société forestière de la Kadey (Sofokad), la Société africaine de développement forestier, etc. Entre autres conséquences de cette inertie, si ce n’est de cette attitude de défiance à l’égard de l’Etat et des autres partenaires supranationaux, ce rapport présente des écarts considérables à hauteur de 13%. Un taux improbable au regard du seuil tolérable par l’ITIE, fixe à 3%.
Robert Moïdokana, coordonnateur national de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE-RCA) s’indigne de ce comportement désinvolte et indique qu’un délai d’une semaine a été accordé à la République centrafricaine pour que les entités qui n’ont pas communiqué les chiffres en vue de la manifestation de la transparence puissent régler cet écart à 3%, seuil devant rendre fiable le rapport final. « Aux entreprises étatiques, nous ne cessons de rappeler que la mise en œuvre de l’initiative relève de la compétence du gouvernement. Il est donc inconcevable que des entités relevant du gouvernement ne puisse pas communiquer des informations », martèle Robert Moïdokana. Dans une interview accordée à la radio à capitaux privés Ndekeluka émettant à Bangui, le coordonnateur du comité National ITIE annonce que le « conseil des ministres va être saisi de cette question pour contraindre l’ensemble des entités administratives et les entreprises récalcitrantes de rendre publiques leurs données ». A noter que comité de pilotage de l’ITIE est présidé par le Premier ministre centrafricain, Félix Moloua, et que plusieurs membres du gouvernement y siègent.
Revenus tirés de l’exploitations des extractives
Tous les 2 ans, ce comité doit, à travers un rapport, mettre à la disposition du public centrafricain et même de la communauté internationale le cadre juridique de la gouvernance des ressources extractives, mais surtout les revenus que l’Etat perçoit dans l’exploitation desdites ressources.
Le rapport en cours d’élaboration est d’autant plus important pour la République centrafricaine que, d’ici le 1er avril 2024, il y aura la première validation visant à vérifier si effectivement les normes ITIE qui sont des exigences sont bel et bien mises en œuvre dans le pays. Si l’on en croit le coordonnateur du comité national ITIE, le projet de code minier qui est en cours d’adoption et qui va instaurer des règles de transparence plus rigoureuses a été influencé véritablement par les normes ITIE et par le travail qui est fait par cette initiative.
Dans ce code, il est fait obligation de la publication de tous les contrats, des propriétaires réels des entreprises qui viennent investir en RCA, y compris leurs noms et leurs adresses. L’objectif pour les autorités est de lutter contre les sociétés écrans. « Désormais, tous ceux qui vont investir dans les secteurs minier et forestier en en République centrafricaine ont l’obligation d’indiquer l’origine de leur argent. Il est question pour le gouvernement de lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Les acteurs ne doivent pas avoir des liens avec des groupes armés ou des groupes criminels », souligne Robert Moïdokana.
Ecomatin