L’ancien opposant, devenu premier ministre de la transition depuis le 1er janvier 2024, a annoncé, le 10 mars 2024 à Ndjamena, sa candidature pour le scrutin prévu le 6 mai prochain. Nombre d’observateurs y voient plutôt un jeu en trompe l’œil pour crédibiliser la victoire de l’actuel président de la transition.
Au cours d’un meeting organisé le 10 mars 2024, Place du Balcon de l’Espoir à Ndjamena, la capitale tchadienne, Success Masra a été investi comme candidat à l’élection présidentielle pour le compte de son parti Les Transformateurs. Grâce à la confiance que lui accordent les militants de cette formation politique, qu’il a lui-même fondé en 2018, Succès Masra affrontera le Général Mahamat Idriss Déby, actuel président de la junte militaire qui gère la transition au Tchad, depuis le décès en 2021 du Maréchal Idriss Déby Itno. Les deux hommes s’affronteront donc au cours du scrutin prévu le 6 mai 2024, le Général-président ayant lui aussi annoncé sa candidature une semaine seulement avant celle de l’ancien opposant le plus farouche du régime au pouvoir à Ndjamena, finalement devenu premier ministre de la transition depuis le 1er janvier 2024.
« Je suis candidat pour être le pilote principal de l’avion. Vous devrez choisir la combinaison gagnante que vous voulez, qui doit être pilote et qui doit être copilote », a laissé entendre Succès Masra lors de son meeting d’investiture. Ces phrases de l’ancien opposant devenu allié du régime au pouvoir à Ndjamena résument ce que pense la classe politique tchadienne de la candidature de Success Masra. « Une candidature prétexte », dont le seul but serait de donner au scrutin du 6 mai 2024 une teinte de pluralité et de diversité de candidatures, pensent les observateurs de la scène politique locale. En d’autres termes, pour nombre de Tchadiens, Success Masra roulerait en réalité pour le Général Mahamat Idriss Déby, dont il veut simplement crédibiliser l’élection grâce à sa propre candidature.
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L’idée du revirement de celui qui était alors devenu l’opposant le plus farouche du régime au pouvoir à Ndjamena a commencé à se répandre depuis son retour au Tchad le 3 novembre 2023. Success Masra revenait alors d’un bref exil consécutif aux émeutes du 20 octobre 2022, conséquence de la répression par le pouvoir d’une marche de protestation des militants de son parti dénonçant la prorogation de 2 ans d’une transition militaire initialement prévue pour 18 mois. Ce qui n’était alors qu’un simple soupçon de revirement sera confirmé le 1er janvier 2024 avec la nomination de l’ancien opposant au poste de Premier ministre du gouvernement de transition. Des sources introduites dans les arcanes du pouvoir au Tchad évoquent alors un accord secret passé entre le chef d’Etat de transition et Succès Masra.
Selon les tenants de cette thèse, l’ex-opposant Masra devra contribuer à assurer la victoire du Général Mahamat Idriss Déby au cours de la prochaine élection présidentielle, et sera à nouveau reconduit au poste de Premier ministre après le scrutin. Vu sous cet angle, il n’est donc pas exclu que la candidature de l’actuel Premier ministre de la transition débouche sur un désistement à quelques jours du scrutin, avec de surcroît un appel de Success Masra à voter pour le Général Mahamat Idriss Déby. Un tel scénario ouvrirait la porte à une large victoire de l’actuel président de la transition, surtout après la mort de Yaya Djillo.
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En effet, ce cousin de Mahamat Idriss Déby, devenu le principal opposant au régime de transition après l’entrée de Masra au gouvernement, a trouvé la mort le 28 février 2024. C’était à la suite des tirs nourris des éléments de l’armée régulière sur l’immeuble abritant le siège de son parti, qui sera par la suite dynamité. Yaya Djillo et ses militants étaient officiellement accusés d’avoir non seulement fomenté une tentative d’assassinat du président de la Cour suprême, mais aussi d’avoir attaqué les locaux de l’Agence nationale de sécurité de l’Etat (Anse), occasionnant plusieurs morts. « Je n’étais pas présent », s’était défendu Yaya Dillo à l’Agence France presse (AFP), sur son implication dans l’attaque des locaux de l’Anse. « Le but recherché est de m’empêcher, de m’éliminer physiquement, (…) pour me faire peur afin que je n’aille pas à l’élection », avait-il poursuivi, avant de trouver la mort quelques heures plus tard.
Ecomatin